SALO OU LES 120 JOURNÉES DE SODOME  
Salò o le 120 giornate di Sodoma
UN FILM DE PIER PAOLO PASOLINI

Pasolini ne pensait pas réaliser lui-même un film sur Sade. Il imaginait le confier à son ami Sergio Citti, collaborateur depuis ses premiers films sur la banlieue romaine, et frère de son acteur de prédilection, Franco Citti. Il a rapidement l’idée de lier l’adaptation des 120 journées de Sodome à la représentation de la République sociale de Salò, qui fut, de 1943 à 1945, la résurgence du fascisme qui venait de tomber, avec l’arrivée des Alliés à Rome. C’est finalement Pasolini lui-même qui réalisera ce film dont il voulait les images insupportables, comme il jugeait intolérable le fascisme. En utilisant et en représentant de façon réaliste les sévices sexuels imposés à des adolescents par quatre fous, détenteurs des pouvoirs sociaux régnants (l’Église, la justice, l’argent, l’aristocratie) et leurs “narratrices”, il entendait faire le procès de la corruption et de l’infamie politique, qui avaient atteint leur sommet à la fin de la Seconde Guerre mondiale en Italie, préparant des décennies de pourriture économique et sociale. Ce film, extraordinairement sombre et complexe, d’une esthétique glaciale, était à l’image de l’humeur profondément dépressive de son auteur. Brisé par des années de combat politique et esthétique, à l’issue desquelles il se sentait de plus en plus seul et détesté, blessé dans sa vie personnelle par l’abandon de son jeune compagnon, Ninetto Davoli, il propose une sorte de pendant antinomique à sa “Trilogie de la vie”, qui célébrait la joie des corps et d’une sexualité triomphante. Ce n’est évidemment pas le premier film très sexuel et très politique qu’il tourne, mais il entend trouver là un équivalent visuel à l’excès sadien. Le film fut achevé quelques jours avant l’assassinat de Pasolini. Il fit scandale, fut interdit pendant un an en Italie. Ce ne devait pas être son dernier film, mais le premier d’une “Trilogie de la mort”. La tragédie interrompit ce projet.

 

René de Ceccatty