L'ÉVANGILE SELON SAINT MATTHIEU         
[Il Vangelo secondo Matteo]
UN FILM DE PIER PAOLO PASOLINI

C’est à Assise que Pasolini, invité par une association laïque d’inspiration catholique, à l’occasion d’une visite du pape, a l’idée de consacrer un film à la vie du Christ. Il lit L'Évangile selon saint Matthieu et il est saisi par le ton de la narration. Celui-ci lui semble tout à fait propice au langage qu’il essaie de mettre en place depuis deux longs métrages. Accattone et Mamma Roma étaient, en effet, déjà marqués par une forte spiritualité, jusque dans son regard sur les prostituées, les maquereaux et les voleurs de la petite pègre de la banlieue romaine.

Dans La Ricotta, Pasolini avait représenté de façon fantasque, poétique, insolente, mais formidablement émouvante, le tournage d’un film sur la Passion du Christ. Ce moyen métrage a fait scandale, car des censeurs y ont vu un blasphème, et Pasolini a même été condamné et le film provisoirement interdit. C’est un Christ provocateur, indigné par l’hypocrisie, secouant l’inertie des bien-pensants qu’il veut représenter, tout en respectant la lettre et le ton de l’Évangile. Il pense tout d’abord tourner le film sur les lieux-mêmes où vécut le Christ, mais y renonce, après des repérages décevants en Palestine et en Israël, faits en compagnie d’un ami prêtre, qui sera son conseiller pour le scénario. C’est dans la Basilicate et dans les Pouilles qu’il posera sa caméra, ainsi que dans le voisinage de Rome, près de Viterbe, et ce sont des acteurs non professionnels qu’il engage. L’acteur principal, chargé d’incarner le Christ, est un très jeune étudiant catalan communiste venu le démarcher pour financer son groupuscule politique, Enrique Irazoqui. Le film est présenté à la Mutualité à Paris, et fait l’objet d’un débat à Notre-Dame. Ainsi sont symbolisées les deux inspirations de Pasolini, le Parti communiste et le catholicisme. Un film à la fois communiste et catholique ? Tel sera l’objet d’une polémique qui tournera parfois à l’insulte.
 

René de Ceccatty