MÉDÉE        
[Medea]
UN FILM DE PIER PAOLO PASOLINI

À la fin 1968, le producteur Franco Rossellini propose à Maria Callas de faire ses débuts au cinéma dans un de ses rôles majeurs à l’opéra, Médée. Et c’est Pasolini qui le réalisera. Très réticente, Callas, qui a déjà refusé des propositions analogues de Losey, Huston, Dreyer et Zeffirelli, et qui n’a guère d’affinités avec l’univers de Pasolini, qu’elle trouve trop sexuel et trop cérébral, finit cependant par être séduite par le projet, par l’homme et par un de ses films, L’Évangile selon saint Matthieu, qui a touché cette artiste très croyante. Leur entente est alors immédiate. Ils ont la même conception de l’art et du sacré.

Leur intimité s’affirme durant le tournage de ce film, qui devait initialement recourir au texte grec antique de la tragédie d’Euripide, mais qui est finalement quasiment muet, seulement accompagné d’une bande sonore musicale d’une grande richesse. Ce sont les paysages d’Anatolie qui servent de décors et les somptueux costumes de Piero Tosi qui habillent la Callas, entourée d’un athlète italien (dans le rôle de Jason), d’une actrice débutante (Margaret Clementi) et d’acteurs professionnels (Laurent Terzieff, Massimo Girotti). Plus encore qu’Œdipe roi, qui liait également une tragédie antique à une réflexion autobiographique, ce film apparaît comme une allégorie, chargée de symboles, du rapport d’un créateur avec le monde qui le menace. La rencontre des deux artistes prendra, pendant quelques mois, une forme sentimentale. Après la première très tiède du film à l’Opéra Garnier de Paris, Callas accompagne Pasolini dans ses voyages en Afrique, au Brésil et en Argentine pour la promotion du film. Mais peu à peu, leurs deux vies s’éloignent sans qu’ils s’oublient, jusqu’au meurtre tragique du cinéaste, suivi, deux ans plus tard, par le probable suicide de la cantatrice.

 

René de Ceccatty