CONFÉRENCE SERGUEI PARADJANOV
PAR SERGE AVEDIKIAN

En 1966, Les Chevaux de feu révèlent au monde un cinéaste soviétique poète et provocateur, en complète rupture avec l’esthétique alors en vigueur du réalisme socialiste :Sergueï Paradjanov.

Malgré les brimades continuelles et de longues années d’enfermement aux heures les plus sombres de la répression en URSS, ce “clown triste de la perestroïka”, comme il aimait à se définir lui-même, a su créer – de Sayat Nova à La Légende de la forteresse de Souram ou Achik Kérib – tout un univers à l’écoute de l’Orient de son enfance, ludique et sensuel, rempli des contes qui courent des rives de la mer Noire jusqu’aux frontières de la Chine.
 

 Patrick Cazals

 

À l’occasion du centenaire +1 de la naissance de Sergueï Paradjanov et des cinquante ans de la mort de Pier Paolo Pasolini, le Festival Écrans Mixtes organise une rétrospective croisée de ces deux poètes, dont les œuvres présentées se font écho dans leur rapport au sacré.

Sergueï Paradjanov était un homme hors normes, qui avait un talent hors normes. C’était un insoumis et il était surprenant. Vivre à ses côtés, travailler avec lui, créer dans son esprit, était un pari dangereux et excitant. Il est particulièrement délicat de s’identifier à quelqu’un à qui on aurait aimé ressembler, du moins en tant qu’artiste. Avec Paradjanov, cela relevait d’une certaine folie. Car si Paradjanov débordait d’énergie créatrice, de délicatesse, de finesse et de fantaisie, son égocentrisme fut aussi à la limite de la démesure. Ressentir la particularité d’un geste et l’accomplir jusque dans les moindres détails, poser son
regard là où il devait se poser, se défaire des fioritures. Être dans une sorte de “calme bouillonnant”, puis laisser venir la colère, l’explosion. Et aussi... sentir qu’on est seul au monde, seul contre tous, et pourtant cerné par les fantômes du passé et la réalité du présent. Raconter sa propre mort pour rester éternellement vivant. Porter son enfance en soi naturellement. Être le comédien et le clown de soi-même. Demander aux autres de l’aide, tout en refusant la main tendue pour garder son indépendance. Être un artiste jusqu’au bout, en pensant que tout nous est dû. Donner le maximum de soi, extirper la beauté de la boue...

J’ai aimé Paradjanov de son vivant, comme un père spirituel et un aîné qui m’a laissé l’approcher et m’a adopté. Pier Paolo Pasolini, Artavazd Pelechian et Andreï Tarkovski m’ont beaucoup apporté aussi, par leur amour de l’art du cinéma, leur intransigeance et leur inspiration, mais c’est Paradjanov qui m’a donné envie de réaliser des films personnels. Il avait la générosité des hommes qui aiment donner et prendre, qui n’ont pas peur de se perdre au contact de l’autre et ont le besoin permanent de faire circuler les objets de valeur. 
 

Serge Avedikian

©Écrans Mixtes

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