Christine Vachon est une productrice incontournable du cinéma indépendant américain qui s’est faite connaître par ses choix audacieux en soutenant des cinéastes dont le regard aiguisé ne rentrait pas dans la norme hollywoodienne. En 1987, elle lance sa première société de production, Apparatus Films, qui se spécialise dans les courts métrages, avec ses camarades de fac Barry Ellsworth et Todd Haynes. Elle deviendra la productrice de ce dernier, l’accompagnant tout au long de sa carrière, de son premier long métrage Poison (1991), une adaptation de Jean Genet, à son film le plus récent May December, présenté à Cannes en 2023, marquant leur dixième collaboration, en passant par Carol (2015), son chef-d’œuvre sur une passion lesbienne empêchée.
Christine Vachon commence sa carrière en soutenant les premiers longs métrages de ceux et celles qui veulent représenter les marges, des héros et des héroïnes queer qui, au-delà de leur orientation sexuelle, incarnent le sens premier de cette appellation : des personnages bizarres qui refusent de suivre le chemin de la norme. Elle accompagne Go Fish (1994) de Rose Troche, film lesbien devenu culte, un des seuls longs métrages à représenter les joies de la communauté lesbienne, comportant des scènes de sexe qui ne fétichisent pas le corps des comédiennes. L’année suivante, elle produit Kids de Larry Clark. Ce premier long métrage sulfureux suit des jeunes qui errent dans New York et qui se cherchent dans l'alcool, la drogue et le sexe. Vachon conseille à Mary Harron, qui s’intéresse à l’artiste paria Valérie Solanas, de s’éloigner de la forme documentaire et de réaliser son premier film de fiction (I Shot Andy Warhol, 1996), dans lequel elle retrace la vie de cette autrice lesbienne révolutionnaire, qui écrivit le texte féministe incontournable Scum Manifesto, avant de tirer sur le pape du pop-art. Elle retrouve Todd Haynes pour le labyrinthique Velvet Goldmine (1998), qui nous plonge dans la mélancolie d’un journaliste enquêtant sur une rock star bisexuelle qui le fascinait dans sa jeunesse. L’année suivante, elle soutient un autre premier long métrage, qui changera l’histoire des représentations trans, en produisant Boys Don’t Cry de Kimberly Peirce, inspiré de la vie de Brandon Teena, un homme trans assassiné à 21 ans.
Tout au long de sa carrière, à travers la centaine de films qu’elle produit avec sa société Killer Films, Christine Vachon accompagne autant des cinéastes installés comme John Waters, Robert Altman ou Paul Schrader, que des nouveaux venus, comme, dernièrement, Céline Song, et son émouvant premier film crève-cœur, Past Lives. Christine Vachon a su faire émerger des voix manquantes et visionnaires ; elle a défendu des films qui ont posé les jalons pour réfléchir à ce que pourrait être un cinéma queer ; elle a rendu visibles les récits que Hollywood ne voulait pas regarder. Dans sa manière unique de produire des films concernant les minorités et ceux et celles si peu considéré·es par le cinéma mainstream, et en les propulsant au rang d’œuvres incontournables, Vachon a changé l’histoire et le visage du cinéma américain. Elle a mis la marge au centre.
Iris Brey
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